Zimerman est passé par là.
par CafardNahHomme
It’s been a while ..
Lorsque l’on tente de mettre du « matériel », du vivant sur une chose irréelle et qu’elle n’en devient que plus fantastique.
C’est le sentiment que j’ai ressenti tout au long du récital donné par Krystian Zimerman à la Salle Pleyel vendredi soir dernier.
Une brève apparition de l’un des responsables de la salle, rappelant, au nom de l’interprète que photos et enregistrements étaient interdits ; un concert étant un moment intime, privilégié, une sorte de cadeau offert par le musicien et que ces technologies viendraient bafouer, étaient à peu près ses termes.
Il est ensuite apparu, majestueux. Saluant brièvement son auditoire, dans son trois pièces queue-de-pie noir, chemise et noeud-papillon aussi immaculés que sa barbe et ses cheveux, il s’installe avec aisance, patiente recherchant le silence et ses doigts enclenchent les belles mélodies des trois dernières Sonates de Beethoven (les Nos. 30, 31 et 32 des opus 109, 110 et 111).
Assise au sein des places orchestres, j’étais fascinée. Impossible de garder mes yeux clos et ne me fier qu’à mes oreilles. L’élégance, la présence qu’il dégageait exerçaient sur moi le même pouvoir qu’un aimant, une force d’attraction à laquelle on ne peut résister. Scotchée, subjuguée, je pourrais affirmer que le temps s’était arrêté.
Il était là, assis devant son écrin noir, laissant par moment sa main libre danser lorsqu’il n’en requérait pas l’utilité, pour mieux retrouver sa jumelle ensuite, tournant avec douceur et une aisance presque effrayante les pages de ses partitions entre chaque mouvement.
J’ai par ailleurs appris, grâce à la brochure/programme, que malgré les énormes frais que cela peut lui coûter, Krystian Zimerman se déplace sans cesse avec son propre piano, dont il est lui même le « mécanicien ».
« Il y a dix as j’aurais dit que j’ajustais le piano au compositeur. Maintenant, je voudrais aller plus loin et dire que je l’adapte à un morceau en particulier. » (En 2008 dans le Financial Times)
Et c’est un vrai bijou. Des sonorités rondes, puissantes, avec juste ce qu’il faut de brillance pour éviter des aiguës « sur-scintillants » et qui, malgré la froideur et la dureté que je prête à la Salle Pleyel, ne perdent pas leur « chaleur ».
Quant à l’interprétation je ne saurais tellement quoi vous dire, Monsieur Zimerman appartient indéniablement à mes pianistes préférés, notamment pour ses Ballades de Chopin, plaçant ralentis, accentuations, nuances magiquement où je souhaite les entendre, ses Sonates de Liszt généralissimes, son approche des oeuvres pour piano de Brahms… (enregistrements plus que conseillés qui plus est chez Deutsche Grammophon)
Emotion, maître mot.
Curieuse de connaître les impressions que peuvent vous laisser un concert. (Dites moi tout)
Camille.
Chère Camille
Je faisais parti des personnes comme toi, qui ont la chance de participer à ce concert. « Zim » était dans une forme olympique, pratiquement aucune faute technique (avec lui c’est de rigueur). C’était un concert effectivement magique, ce génie a fait sonner le clavier comme personne. Comme le souligne mon cousin, c’était aussi le concert de la polyphonie. D’un musicien capable de dissocier deux voix d’une manière extrêmement limpide, de créer des strates et des plans sonores comme personne. Nous avons découvert ce soir là des aspects de ces chefs d’oeuvre que nous ne soupçonnions même pas. L’op 109 était taillé pour lui, je ne vais pas m’étaler sur le sujet mais la variation tout en trilles du dernier mouvement était quelque chose d’incroyable : un tapis sonore à la main gauche avec des trilles d’une précision millimétrique et un climax sorti de je ne sais où (je m’épongeais les yeux à ce moment là devant une telle beauté). L’op 110 – qui est ma sonate préférée de LVB -, a été un des sommets de ce concert extraordinaire, tendue de bout en bout vers une fugue finale torrentielle ! L’op 111 pris a un tempo déchainé, nous ne l’avions jamais entendu de la sorte, des déflagrations sonores, là encore des passages fugués d’un autre monde. Un deuxième mouvement relevant de l’ineffable : le piano magique, un véritable chant du cygne. Comme le dit André Tubeuf sur Qobuz, ce soir là nous n’avons pas eu le sentiment d’entendre que de la musique, mais autre chose.
Certainement le plus beau concert de Zimerman auquel j’ai pu assister.
J’ai eu deux émotions musicales pour l’instant : Patrick Gallois à la flûte et à la direction (début 2000) de l’orchestre d’Avignon autour d’un programme CPE Bach, Quantz et donc celui ci.